CONNEXIONS - novembre 2020

L’Occitanie sur Mars

 

La planète rouge est située à une distance moyenne de 225 millions de kilomètres de la Terre. Suivant une trajectoire elliptique qui l’éloigne de la Terre, c’est un voyage d’environ 470 millions de kilomètres qui attend le rover Perseverance. Après avoir quitté la Terre le 30 juillet dernier à bord d’une fusée Atlas 5, il n’atterrira pas avant le 18 février 2021. À bord se trouve SuperCam, un ensemble instrumental qui comprend une caméra, des analyseurs de la chimie de Mars, et même un microphone. Imaginé à Toulouse, construit pour les deux-tiers en France, plusieurs PME occitanes ont participé au développement de cet instrument franco-américain.

 

On le sait, avec un quart des emplois européens de la filière, l’Occitanie est l’un des moteurs du secteur. Et, en complément de la présence d’acteurs historiques comme Airbus Defence and Space, Thalès, Telespazio…, d’institutionnels comme le CNES, de laboratoires et d’écoles de renom, un certain nombre d’éléments nouveaux impulse une dynamique prometteuse. On citera l’arrivée du commandement militaire de l’espace (CDE), qui abritera quelque 400 personnes d’ici à 2025 dans un bâtiment dédié au sein du CNES. Ou encore le choix de Toulouse pour porter la candidature de la France à l’accueil du CEPMMT (Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme) face à des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Espagne. Mais il faut aussi relever le développement accéléré de ce que l’on appelle le NewSpace, ces nouveaux entrants du spatial qui redessinent l’organisation du marché – l’exemple le plus connu est désormais SpaceX- avec un coût d’accès à l’espace réduit grâce, notamment, au numérique. « Plus de 300 personnes ont travaillé en France sur le projet SuperCam, pour moitié au moins en Occitanie. À proximité du CNES, maître d’ouvrage de toutes nos réalisations spatiales, Toulouse est doublement privilégiée car également entourée d’un écosystème performant, agile et efficace pour répondre aux exigences d’un projet si complexe. En 6 ans, les délais ont été respectés, malgré les aléas, puisque la fenêtre de tir proposée en 2014 (début le 17 juillet 2020) a pu être tenue. Le tir a finalement eu lieu depuis Cap Canaveral le 30 juillet malgré les complications induites par la Covid-19 » détaille Sylvestre Maurice, astrophysicien à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP).

 

La NewsSpace Factory, l’innovation spatiale sur orbite

Créée début 2018 à l’initiative d’Aerospace Valley pour donner plus de visibilité aux talents de notre territoire, la Newspace Factory est un collectif qui regroupe aujourd’hui une vingtaine de PME au sein du B612, l’écosystème d’intelligence collective et d’innovation de Toulouse Aerospace. Le hub compte aujourd’hui une vingtaine de membres comme CLS, Callisto, Nexeya, Comat, l’Isae-Supaero ou Syntony qui couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur du spatial. Et, preuve du bien-fondé de la démarche, on retrouve certains d’entre eux à bord de cette nouvelle mission d’exploration spatiale de la Nasa Mars 2020. Celle-ci s’inscrit dans la continuité de Mars Science Laboratory, dont l’astromobile Curiosity explore la surface de la planète rouge depuis août 2012. L’un des principaux instruments de Curiosity est ChemCam, conçu et développé à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP, Université de Toulouse, CNRS, CNES) de Toulouse et qui a contribué à prouver l’habitabilité passée de Mars. SuperCam est donc le successeur de ChemCam. Sa fabrication a été pilotée depuis l’IRAP, engageant de nombreux acteurs nationaux. Son laser et ses différents spectromètres ont pour objectif de déterminer à distance la composition chimique et minéralogique des roches. Plusieurs PME de notre région ont participé au développement de cet instrument franco-américain : Comat, GIT, Hirex, Map, Mecano ID, Microtec et Steel Électronique. « Tous les efforts pour construire SuperCam se pousuivent en Occitanie où, à partir de l’atterrissage, le 18 février 2021, l’instrument SuperCam sera piloté, depuis le CNES en alternance avec un laboratoire américain au Nouveau Mexique » ajoute l’astrophysicien.

 

Plus de 300 personnes ont travaillé en France sur le projet SuperCam, pour moitié au moins en Occitanie. À proximité du CNES, maître d’ouvrage de toutes nos réalisations spatiales, Toulouse est doublement privilégiée car également entourée d’un écosystème performant, agile et efficace pour répondre aux exigences d’un projet si complexe.

Sylvestre Maurice, astrophysicien à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP).

 

Des contributions décisives, une première mondiale

« En Occitanie, les acteurs du projet trouvent auprès de la Cité de l’Espace un lieu de culture scientifique de classe mondiale pour faire rayonner leur recherche et leurs savoir-faire » souligne Sylvestre Maurice. Spécialiste des mécanismes pour le spatial, basé à Flourens (Haute-Garonne), Comat a réalisé la maîtrise d’œuvre mécanique de la caméra SuperCam et effectué l’industrialisation, c’est-à-dire l’optimisation de la conception des 400 pièces qui composent la caméra, la fabrication de ces pièces, ainsi que l’intégration et les tests. La PME ariégeoise Map a fourni un revêtement noir mat qui recouvre tout l’intérieur du boîtier de SuperCam. L’entreprise a traité cinquante pièces pour le modèle de qualification et cinquante autres pour le modèle de vol définitif. La société Steel Electronique, implantée à Martres-Tolosane (Haute-Garonne), a développé et fabriqué les cartes électroniques qui pilotent le laser de SuperCam. L’entreprise a monté sur ses cartes les composants électroniques fabriqués et qualifiés par la société Hirex Engineering basé à Ramonville Sainte-Agne (Haute-Garonne). Le toulousain Mecano ID, qui travaille sur le sujet depuis 2015, s’est chargé des analyses de dimensionnement mécaniques et thermiques de l’instrument avant de réaliser les essais d’environnement mécanique (chocs et vibrations). De son côté, l’Isae-Supaero (Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace) a développé le microphone rajouté à SuperCam qui permettra d’entendre les sons à la surface de la planète rouge. Une première mondiale. Pour revenir avec des échantillons de l’environnement de Mars, la Nasa a donc décidé d’embarquer des échantillons de l’excellence de l’écosystème spatial d’Occitanie.

 

 

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