INTERVIEW
 

Bruno Darboux, Président d’Aerospace Valley

 

Présent sur l’Occitanie et la Nouvelle Aquitaine, le pôle de compétitivité aéronautique et spatial est un animateur majeur du développement économique de notre région. Créé en 2005, il s’apprête à entrer dans la phase 5 de son développement. L’occasion de faire le point sur son activité, ses ambitions et les filières régionales avec son Président Bruno Darboux.

 

Comment se portent aujourd’hui les filières aéronautique et spatiale au niveau régional ?

Bruno Darboux : L’aéronautique est sortie de la crise Covid sur le plan du transport aérien, avec un retour aux chiffres de 2019 au niveau mondial, ce qui est une bonne nouvelle. Cela se répercute sur les prises de commande et la volonté de monter en cadence des avionneurs. En revanche, la crise Covid a profondément désorganisé les chaînes logistiques, l’approvisionnement et la production et les conséquences se font toujours sentir, entraînant des difficultés pour atteindre les objectifs de montée en cadence ambitieux. Enfin, il y a aussi des problématiques de recrutements. Pour le spatial, il existe des perspectives de croissance à concrétiser. Si l’Europe en général a un temps de retard sur les États-Unis dans le domaine des lanceurs, avec les difficultés de Vega C et le retard d’Ariane 6, nous avons une capacité évidente en ce qui concerne les satellites, notamment avec des acteurs comme Airbus D&S et Thales Alenia Space, mais aussi des entreprises positionnées sur les nanosatellites ou des fournisseurs. Nous avons en région une force de frappe importante. Le marché des constellations en orbite basse est en plein boom, de même que celui de la défense, pour lequel la présence du Commandement de l’espace à Toulouse est un atout formidable. Leur laboratoire d’innovation est d’ailleurs hébergé par Aerospace Valley. Et puis, il faut se positionner sur l’exploitation des données spatiales, notamment autour du climat. C’est le sens de notre initiative Scale.

 

Quel bilan tirez-vous de l’action d’Aerospace Valley en 2021-2022 ?

BD : Nous sommes sortis d’un exercice qui correspondait à la fin de la crise Covid. Cela nous a permis de rebondir en termes d’événements en présentiel. La mise en relation entre les acteurs demeure l’une des valeurs ajoutées du pôle et les événements ont eu beaucoup de succès. Nous avons également observé une remontée des volumes de projets labellisés. Entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022, 144 projets ont ainsi été soutenus, et 64 projets financés à hauteur de 30,50 M€. Nous sommes vraiment sur une dynamique positive, avec également une croissance du nombre de membres, aujourd’hui à 860, dont 600 PME.

 

Nos événements sont un creuset pour faire jaillir des innovations. Mais, à côté de ça, Aerospace Valley mène un travail de fond, avec des ateliers, des visites aux entreprises, la labellisation ou le développement de start-ups, d’autant que notre accélérateur, District, s’est élargi aux filières aéronautiques, drones et numériques.

Bruno Darboux, Président d’Aerospace Valley

 

Vous parliez des événements. Est-ce essentiel pour créer une dynamique d’innovation et attirer de nouveaux talents au niveau local ?

BD : L’attractivité vers l’industrie, et l’industrie aéronautique et spatiale, est une des actions que nous devons mener. Les événements comme les hackathons pour le compte du Cnes ou du Commandement de l’espace participent, je pense, à cette attractivité. Nous organisons de nombreux événements en présentiel, axés sur des filières ou des thématiques, comme l’intelligence artificielle ou la mobilité durable. C’est aussi un creuset pour faire jaillir des innovations. Mais, à côté de ça, Aerospace Valley mène un travail de fond, avec des ateliers, des visites aux entreprises, la labellisation ou le développement de start-ups, d’autant que notre accélérateur, District, s’est élargi aux filières aéronautiques, drones et numériques.

 

L’un des enjeux majeurs de l’aéronautique est la décarbonation du secteur. Comment Aerospace Valley accompagne-t-il cette évolution nécessaire ?

BD : C’est évidemment une transformation impérative mais qui ne doit pas être vécue comme une contrainte. Elle nécessite une forte collaboration entre industriels et institutionnels, qui dépasse le cadre local. La décarbonation représente cependant une double opportunité pour le territoire. Une opportunité de développement économique, puisque le Sud-Ouest de la France se positionne comme le fer de lance en matière technologique. Cela doit nous permettre de prendre de l’avance et, à moyen-long terme, des parts de marché. Encourager cela est aussi la vocation d’Aerospace Valley. La deuxième opportunité concerne les carburants alternatifs, alors que la France a montré une intention claire de production sur le territoire, qui offrirait une souveraineté dans le domaine. Sur ce sujet, le pôle fait partie de l’initiative conjointe menée avec Airbus, ATR, la Région, l’État et l’aéroport Toulouse-Blagnac pour déployer la production et l’utilisation des SAF au-delà des minimums demandés. Par ailleurs, nous poussons les entreprises à participer au projet Corac sur les technologies pour l’avion vert et nous sourçons les idées innovantes des PME locales pour la DGAC. L’initiative Maele (Mobilité Aérienne Légère et Environnementalement responsable) a fait émerger des acteurs comme Aura Aéro ou Ascendance Flight Technology et l’aviation légère un formidable laboratoire d’expérimentation qui peut profiter à toute la filière. Ces petits avionneurs se sont d’ailleurs associés pour avancer plus vite dans certains segments.

 

Au niveau national, le gouvernement affiche une volonté de réindustrialisation. Si des exemples comme Aura Aéro ou la nouvelle chaîne d’assemblage d’Airbus vont dans le bon sens, les annonces de Latécoère peuvent inquiéter. Comment se positionne Aerospace Valley à ce sujet ?

BD : Nous sommes convaincus qu’il existe de vraies opportunités de maintien et de développement des emplois industriels sur le territoire. Nous avons les compétences, la capacité à innover dans les façons de produire pour être compétitifs en matière de coût et des atouts forts en matière de vertus environnementales et RSE. La nouvelle chaîne d’assemblage d’Airbus est un bel exemple et plusieurs groupes modernisent leurs usines, comme Mecachrome ou Liebherr. Le pôle est d’ailleurs partenaire de la plateforme Pad’Occ, sorte d’usine école pour former les étudiants à l’industrie du futur. Aerospace Valley encourage les PME à y mener des expérimentations avant d’éventuels investissements.

 

On oublie souvent la filière drones. Quel regard portez-vous sur ce secteur au niveau régional ?

BD : Il n’est pas encore bien structuré mais les applications utilisant des drones se multiplient, avec un marché en croissance de 10 % par an. Nous devons mieux mettre en relation les besoins et les entreprises pouvant apporter des solutions, notamment pour les groupes qui gèrent des réseaux d’énergie ou de transport. La surveillance des parcs éoliens en mer est aussi une opportunité. Nous avons des pépites, comme Delair, et les entreprises se structurent petit à petit au sein de l’Association du drone de l’industrie française (Adif)

 

Pour finir, quelles sont les priorités du pôle pour les années à venir ?

BD : Nous allons entrer dans la phase 5 des pôles de compétitivité, pour la période 2023-2026. C’était l’occasion de réviser notre stratégie et d’afficher nos ambitions. Nous avons défini 6 priorités : dynamiser l’innovation ; favoriser la transition écologique des filières aérospatiales ; accélérer la transition numérique ; contribuer à la disponibilité des compétences émergentes nécessaires à nos filières ; contribuer à la croissance et à la sécurisation des effectifs pour assurer le futur de nos filières ; se positionner comme un acteur reconnu à l’échelle nationale, européenne et mondiale.

 

 

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