Diplômée de l’université Paris Dauphine, de l’école supérieure de commerce de Tours et de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale, Christine Bardinet a rejoint la Banque de France en 1998. Elle en est, depuis le printemps 2023, la directrice régionale Occitanie. Pur produit de cette grande Maison, elle était auparavant Directrice générale adjointe des ressources humaines de la Banque de France à Paris.
Christine Bardinet : En un peu plus de six mois de présence sur le territoire au contact des représentants de l’écosystème mais aussi des élus, représentants de l’État et de ses services, j’ai effectivement découvert une grande région, forte de nombreux atouts qui sont le fruit de sa diversité. À la diversité géographique et sectorielle s’ajoute celle des typologies d’entreprises, avec notamment une forte représentation de PME. J’ai relevé la grande solidarité des chefs d’entreprise de notre région, la forte attractivité des deux métropoles et la jeunesse de la population d’Occitanie, bien servie par l’offre de formations disponible sur l’ensemble du territoire. Parmi les axes d’amélioration, je citerai l’accessibilité avec Paris et les grandes villes de France notamment, moins aisée que pour d’autres régions françaises. La région compte deux French Tech et les brevets déposés en Occitanie sont nombreux. Il convient de les valoriser à leur juste valeur en travaillant sur le « faire savoir ». D’un point de vue structurel, il me semble qu’il y a un fort enjeu de transformation du tissu économique pour aider les PME à devenir des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI), qui font la force des territoires vis à vis de la concurrence européenne et internationale. Enfin, je note que la région illustre le paradoxe français et conjugue un grand nombre d’emplois vacants et un taux de chômage supérieur de 1,5 à 1,6% à la moyenne nationale, posant la question des compétences, de la formation initiale et professionnelle pour répondre aux enjeux de demain. En résumé, l’Occitanie est, à juste titre, reconnue pour ses vitrines et ses locomotives et peut-être méconnue pour la force que lui confère sa diversité.
CB : La Banque de France a trois missions fondamentales : la stratégie monétaire (elle consiste actuellement à ramener l’inflation à 2%), la stabilité financière (c’est la capacité du système dans son ensemble -banques, assurances, investissement…- à être résilient et à susciter la confiance) et, enfin, les services à l’économie, principalement connus par la cotation Banque de France. Il s’agit, via l’attribution d’une note, d’analyser le risque, notamment concernant le défaut de remboursement de crédit. Pour les entreprises, cette notation conditionne l’accès au crédit dans les meilleures conditions. Nous assurons également le rôle de médiation du crédit en région et je rappelle que, à ce titre, l’instruction de médiation du crédit est totalement gratuite pour les entreprises. La Banque de France fait également partie de l’écosystème mobilisé auprès des entreprises en difficulté au titre de notre expertise sur les entreprises. Enfin, nous sommes très attentif à l’évolution des délais de paiement. Le message à adresser, ou à rappeler, aux dirigeants est simple. La Banque de France Occitanie avec son réseau départemental est un interlocuteur fort des entrepreneurs durant toutes les étapes de vie de leur entreprise (création, développement, difficultés, transmission).
La Banque de France Occitanie est, avec son réseau départemental, un interlocuteur fort des entrepreneurs durant toutes les étapes de vie de leur entreprise (création, développement, difficultés, transmission).
Christine Bardinet, directrice régionale Occitanie de la Banque de France
CB : 2023 sera une meilleure année qu’initialement prévu pour l’économie française puisque nous avons revu à la hausse notre prévision de croissance en la passant de 0,3% fin décembre à 0,6, puis 0,7% et enfin 0,9% en septembre 2023. Cette année succède à une très belle année 2022, bien que déjà marquée par le démarrage de l’inflation consécutive à la sortie de la crise Covid. En termes de croissance, 2024 devrait être au niveau de 2023, soit 0,9%. Ce n’est qu’en 2025 que nous devrions renouer avec un niveau plus soutenu, à 1,3% de hausse de PIB. Notre enquête présentée en octobre indique que tous les secteurs de l’économie régionale -industrie, services marchands et bâtiment- ont connu une progression de leur activité en septembre. Les prix sont restés globalement stables avec, cependant, un fléchissement sur les matières premières dans l’agroalimentaire et une légère hausse des prix des devis dans les travaux publics. Concernant les trésoreries, le mouvement de repli engagé depuis plusieurs mois -avec notamment des tensions dans les équipements électroniques, les services administratifs et l’hébergement- se poursuit. En termes d’emploi, les dirigeants ont réussi à recruter dans l’industrie et les travaux publics, alors que les effectifs ont globalement peu évolué dans les services marchands. Ils ont, en revanche, reculé dans le bâtiment. Les semaines à venir seront généralement favorables à l’ensemble des secteurs, même si l’incertitude est souvent évoquée pour 2024 suite au raccourcissement des carnets de commandes dans l’industrie et le bâtiment. Comme évoqué précédemment, 2024 devrait être une année de transition et non dénuée de complexité, a fortiori compte tenu des inconnues liées aux différentes tensions géopolitiques. Parallèlement, nous mettons tout en œuvre pour ramener l’inflation vers 2% d’ici début 2025, le conseil des Gouverneurs du 25 octobre ayant, pour la première fois depuis plus d’un an, maintenu les taux d’intérêt stables.
CB : Sur le sujet des PGE, le taux de remboursement national est actuellement de près de 50%, ce qui est conforme aux prévisions, c’est-à-dire pas supérieur à date au taux de défaut prévu. Concernant le sujet de l’augmentation des délais de paiement, à ce jour, ils n’ont en fait pas augmenté si significativement au plan macroéconomique et ne sont majoritairement pas le fait des petites entreprises. Certaines TPE-PME en difficulté -notamment du bâtiment, du commerce ou de la restauration/hôtellerie- ayant des difficultés de trésorerie ont tendance, effectivement, à décaler leurs paiements mais ce n’est pas généralisé. La concomitance de l’inflation, des tensions sur les trésoreries, des remboursements de PGE -voire le paiement d’arriérés d’Urssaf- et de la baisse des carnets de commandes peut rendre la situation de certaines entreprises délicates et fera l’objet de toute notre attention en 2024.