Dirigée par Philippe Leroy, la ferme aquacole de la source du Frézal, en Lozère, a la particularité d’être intégrée au lycée agricole Louis Pasteur de La Canourgue. Produire, former, innover et s’adapter au changement climatique : tels sont les défis relevés par ce site qui regarde vers l’avenir.
Environ 600 sites de production piscicoles d’eau douce sont répartis sur l’ensemble du territoire français et gérés par environ 320 entreprises commerciales d’après le Recensement Aquaculture 2020-Agreste. Certaines régions s’en sont fait une spécialité comme la Nouvelle Aquitaine, les Hauts de France et la Bretagne, qui totalisent à elles trois 67% de la production nationale. La France a produit en 2021 près de 39 500 tonnes de truites. Avec une production de 26 tonnes de truites par an, la ferme aquacole de La Canourgue joue donc dans la catégorie des exploitations artisanales. « Nous avons la chance d’être sur une source karstique souterraine de très bonne qualité, entre 10 et 12°, qui nous permet de réaliser ici l’ensemble du cycle de production : de l’œuf jusqu’aux produits transformés », détaille Philippe Leroy. La ferme alimente ainsi deux filières : l’approvisionnement d’autres pisciculteurs et de fédérations de pêche ; la réalisation sur site de produits transformés, vendus en circuit très court*. « Il y a une attente locale qui s’est développée progressivement. C’est une opportunité pour nous », affirme le directeur d’exploitation qui approvisionne restaurants, commerces et établissements publics du département.
L’exploitation génère un chiffre d’affaires ‒ « entre 230 000 et 260 000 € par an » ‒ et a un objectif d’équilibre économique, fixé par le Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire. Pour autant, « faire du bénéfice n’est pas notre finalité », rappelle le directeur d’exploitation. Et pour cause, ses missions découlent de sa raison d’être initiale : la formation des professionnels de demain, aujourd’hui environ 70 jeunes entre 15 et 20 ans. « Ils étaient deux fois plus nombreux il y a 10 ans », constate Philippe Leroy pour qui le manque d’attrait de la profession est multifactoriel. « Globalement, il y a aujourd’hui un problème d’attractivité des métiers agricoles qui pèse sur toutes nos filières », reconnaît-il.
Ce constat n’est cependant pas une fatalité pour le directeur d’exploitation. « L’une de nos missions centrales, c’est d’ouvrir nos jeunes à l’innovation, de développer leur capacité à se remettre en question et, au-delà, à se projeter. » Une ambition qu’il a décidé d’appliquer à l’exploitation tout entière. « Créée en 1970, l’installation n’est plus adaptée aux défis du changement climatique, ni aux 50 prochaines années… Comment préparer des jeunes à l’avenir sur un outil dépassé ? », s’interroge-t-il avant d’ajouter : « Il faut nous adapter, en particulier à la chute inéluctable de la ressource en eau ». Il a donc déposé auprès du Conseil Régional d’Occitanie un projet de restructuration pour adapter et transformer l’installation en « outil plus résilient : il s’agit notamment de trouver des solutions de retraitement de l’eau en circuit fermé, tout en tenant compte des contraintes énergétiques actuelles ». Actuellement entre les mains des bureaux d’études, ce projet pourrait voir le jour dans les 5 ans. « C’est vital aujourd’hui pour nous. Mais plus largement, c’est un enjeu d’autonomie alimentaire qui dépasse notre seule exploitation », conclut-il.
* dans un rayon de moins de 60 km