AIR - juillet 2020

Boreal, le drone change d’échelle

 

Certains objets ont l’apparence de l’évidence et donnent à deviner une totale adéquation forme/fonction. À l’image de la fusée d’Objectif Lune dessinée par Hergé, les drones Boreal fabriqués dans la banlieue toulousaine embarquent aussi notre imaginaire. Équipés de Lidar et autres caméras multispectrales, ils explorent un nouveau champ des possibles, celui du vol drone très longue portée (plus de 1 000 km) dédié à l’observation scientifique, à la surveillance… Mais l’entreprise emporte également avec elle l’image d’excellence de la filière drones d’Occitanie.

 

En une trentaine d’années, les drones se sont fait une place dans le paysage aérien. Aux côtés des modèles de loisirs, qui ont imposé auprès du grand public la stridence de leurs multiples hélices comme image générique de ce type d’appareils, le marché professionnel se répartit entre applications civiles et usages militaires. C’est sur ce premier marché que se positionne le Boreal. Ce drone à voilure fixe de longue endurance et de grande élongation est capable d’emporter jusqu’à 5 kg de charge utile pour réaliser des missions de plus de 10 heures. Avec une envergure de 4,20 mètres et une masse au décollage inférieure à 25 kg, il dispose d’une endurance qui lui permet de parcourir jusqu’à 1 000 km au cours d’un vol, d’atteindre les 130 km/h et de voler à une altitude opérationnelle de 4 500 m dans des conditions de stabilité jugées remarquables pour un aéronef de sa catégorie.

 

De la maîtrise du signal à la navigation aérienne puis au drone

Boreal est une filiale du Groupe Mistral, construit autour de l’entreprise toulousaine M3Systems. « Basée historiquement en région toulousaine, M3Systems est dotée d’une agence à Bruxelles au plus près des institutions européennes (Commission Européenne, ESA, Eurocontrol). Nous réalisons des prestations d’assistance et d’expertise, des études d’ingénierie et de R&D pouvant aller jusqu’aux produits en passant par le prototypage. En parallèle de l’Ingénierie Système, du Traitement du Signal et Radionavigation par satellite et des systèmes embarqués, M3Systems a développé une compétence reconnue en Navigation Aérienne (gestion des flux de trafic, mouvement de surface aéroportuaire, approches innovantes…). Et c’est donc tout naturellement que, en 2015, Boreal SAS a rejoint le groupe MISTRAL pour valoriser les synergies dans le domaine du GNSS, des radiofréquences et du test et mesures. » détaille Marc Pollina, fondateur et PDG de M3Systems et ancien de l’ESA pour expliquer la genèse de la réflexion drone de son groupe. Des drones dont la complémentarité avec les satellites, avions, ballons et autres capteurs au sol est devenue évidente et qui, grâce à leur capacité à approcher et à leur souplesse d’exploitation, apportent en quelque sorte le pixel manquant de l’imagerie satellitaire.

 

En parallèle de l’Ingénierie Système, du Traitement du Signal et Radionavigation par satellite et des systèmes embarqués, M3Systems a développé depuis Toulouse une compétence reconnue en Navigation Aérienne. Boreal valorise les synergies dans le domaine du GNSS, des radiofréquences et du test et mesures.

Marc Pollina, président de Mistral Group (M3Systems France et Belgique et Boreal)

Un marché en devenir

Un type d’aéronefs sans pilote qui, s’il s’est fait une place dans le paysage aérien, voit son développement freiné par le fait même que l’environnement dans lequel il intervient est probablement l’un des plus réglementés et contrôlés : l’air. La culture de la sécurisation absolue des vols et des survols, incarnée en France par la DGAC et en Europe par Eurocontrol, se révèle parfois difficilement compatible avec le caractère pionnier et expérimental d’une filière qui demeure émergente et dont les moyens ne sont pas, à ce jour, ceux de l’aéronautique. C’est la principale explication au décollage plus tardif qu’annoncé d’un secteur dont, en 2017, le cabinet d’études PwC évaluait le potentiel de marché à 180 millions d’euros pour la France, 1,1 milliard pour l’Europe et 10 milliards pour le monde.

 

Cap sur le maritime

« L’avènement, en 2019, d’une réglementation européenne devrait contribuer à clarifier le plan de vol de l’écosystème de la filière » indique Marc Pollina en ajoutant « qu’une très large part des applications des drones à voilure fixe concerne l’observation, la surveillance et le contrôle de zones naturelles ou à très faible densité de présence humaine (océans, forêts, champs, infrastructures énergétiques isolées…) qui, de fait, relève d’une législation moins contraignante. « Boreal est l’un des rares drones à grande élongation qui bénéficie d’une maturité importante avec des premiers vols opérationnels en 2009, notamment lors d’une campagne de photogrammétrie réalisée pour le CEA. Il est aujourd’hui utilisé par des clients de référence comme l’Onera qui utilise la plateforme Boreal pour ses travaux de recherche, Météo France ou L’Avion Jaune. Plébiscité par les opérateurs qui l’ont déployé au cours des nombreuses missions, il a reçu en juin sa première autorisation spécifique de la part de la DSAC pour des missions de type « forêt ». « Cela signifie que nous pouvons opérer le Boreal pour des missions en conformité avec la nouvelle réglementation européenne pour les drones à grande élongation, ce qui nous ouvre donc le marché. En parallèle, nous sommes en train de finaliser le cas des missions maritimes ». Il est vrai que le drone a démontré sa parfaite adaptation aux vols scientifiques et aux campagnes expérimentales autour de ce milieu qui voit converger de nombreux enjeux économiques, environnementaux, géographiques, humains : protection des zones de pêche, gestion des pollutions, contrôle du trafic maritime, gestion des migrations… À l’heure où l’Occitanie affirme ses ambitions dans le domaine de l’économie maritime, elle peut aussi compter sur la partie Air de son ADN technologique pour servir celles-ci.

 

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