ON EN PARLE - janvier 2022

Et si l’aéronautique redécollait avant l’heure ?

 

Au sein d’une filière durablement marquée par la crise du Covid, les dernières commandes laissent augurer d’une reprise anticipée. Pour répondre à cette montée en cadences, qui ne devrait pas arriver avant 2023, l’écosystème régional se structure.

 

En novembre dernier, le salon de Dubaï était une étape importante pour prendre le pouls d’un secteur aéronautique touché de plein fouet par les mesures prises pour tenter d’endiguer les différents variants du Covid. Annulé l’an dernier, l’événement a profité aux constructeurs européens. Ainsi, Airbus a enregistré 408 commandes, dont 255 avions de la famille A321neo, de la part de la société de capital-investissement américaine Indigo Partners LCC, spécialisée dans la création de compagnies low cost. La version cargo de l’A350 semble aussi séduire pour le transport du fret. De son côté, le constructeur d’avions de transport régional ATR a profité du salon pour communiquer sur ses 29 commandes reçues en 2021. Un mois plus tard, c’est Air France KLM qui annonçait une commande ferme de 100 A320neo, avec des droits d’intention pour 60 appareils supplémentaires et une lettre d’intention pour l’acquisition de quatre A350F Cargo. Et l’Australien Qantas commandait des A220 et A320 d’Airbus au détriment du rival américain Boeing, son partenaire historique. Des commandes qui viennent conforter le projet de ligne d’assemblage A321 à Toulouse relancé en mai dernier, qui devrait créer 500 emplois et compléter les capacités de production du site d’Hambourg. En ce qui concerne les livraisons, et même si le décompte doit encore être consolidé, Airbus devrait dépasser son objectif de 600 appareils livrés. Pour Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, le niveau de commandes 2021 justifie d’augmenter au plus vite les cadences de production. A titre d’exemple, la crise du transport aérien a fait plonger les cadences de l’A320 d’environ 60 appareils par mois il y a un an à 40 actuellement. Mais celles-ci devraient avoisiner les 65 appareils par mois au deuxième trimestre 2023 et pourraient atteindre 75 appareils par mois en 2025… Des niveaux sans précédents qui, s’ils posent des questions d’organisation pour les sous-traitants, tiraillés entre la nécessité d’investir et des trésoreries convalescentes, constituent une perspective de croissance pour l’ensemble de notre territoire.

 

La crise Covid a renforcé notre volonté d’atteindre une taille critique de 1,5 à 2 Md€ de chiffre d’affaires pour financer les efforts de R&D et d’engineering afin d’être un acteur clé de l’avion du futur. Ces acquisitions nous permettent aussi de gagner en compétence et de nous rapprocher des marchés.

Thierry Mootz, Directeur général de Latécoère

 

Espoir et diversification

Pour l’ensemble de la filière, qui a perdu environ 9 000 emplois depuis le début de la crise, toutes ces annonces sont forcément une bonne nouvelle. Mais, si les dirigeants aperçoivent une éclaircie à l’horizon, ils restent prudents. « Ça fait plaisir. On sait qu’il y aura un impact sur le carnet de commandes », reconnaît ainsi Christelle Dos Santos. Sa société, Vidal MP, située à Colomiers (31), a connu une baisse du chiffre d’affaires de 35%. Mais elle reste optimiste à moyen terme. « On attend que ça arrive jusqu’à nous car pour l’instant, malgré la reprise annoncée partout, 2021 est équivalente à 2020. Il y aura certainement une amélioration l’an prochain mais le vrai redémarrage devrait avoir lieu en 2023 », estime Christelle Dos Santos.
Un constat partagé par Stéphane Trento, le dirigeant de ST Composite, dont les volumes d’activité sont aujourd’hui « très bas ». « Avant le variant Omicron, on sentait un frémissement au niveau du ramp-up. Il ne faudrait pas que les compagnies repoussent à nouveau les livraisons et retardent ainsi la montée en cadence. C’est encourageant pour le futur mais la question est : à quel horizon cela va se retranscrire chez nous ? », s’interroge le patron toulousain. Afin d’amortir un peu le choc, Stéphane Trento avait choisi de lancer une gamme bagagerie de luxe utilisant des structures en composites. Des diversifications également entamées par le Tarn-et-Garonnais Gillis Aerospace ou le Toulousain Soplami, qui veulent sortir du tout aéronautique. Un virage stratégique qu’a pris le Montalbanais Celso il y a plusieurs années. Spécialisée dans les mousses techniques et matériaux cellulaires souples, le groupe travaille aujourd’hui pour la santé, le sport et d’autres secteurs et va finir l’année avec un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros, « au même niveau qu’en 2019. Et on devrait être à 15% de progression en 2022. »

Une consolidation nécessaire

Si les perspectives à moyen et long terme semblent prometteuses, l’enjeu, pour beaucoup d’entreprises, reste de passer cette période difficile. Une nécessité afin de conserver les compétences sur le territoire régional et de répondre à la montée en cadences prévue. Cela passe aussi par une consolidation de la filière, qui s’accélère, à l’image du rapprochement de deux importants sous-traitants aéronautiques régionaux Mecachrome, basé à Toulouse, et WeAre Group, à Montauban. Grâce au fonds de consolidation aéronautique Tikehau Ace Capital et BPI France, ce nouvel ensemble formera le premier fabricant français de pièces d’avions, avec près de 3 600 salariés. Le chiffre d’affaires du nouveau groupe atteint 345 millions d’euros en 2021. Du haut de ses 100 ans d’existence, l’équipementier Latécoère participe également activement à cette structuration à travers de nombreuses acquisitions, à l’étranger notamment. En 2021, elle a ainsi racheté le Belge Technical Airborne Components, le Mexicain Shimtech de Mexico et l’Espagnol Mades. « La crise Covid a renforcé notre volonté d’atteindre une taille critique de 1,5 à 2 Md€ de chiffre d’affaires pour financer les efforts de R&D et d’engineering afin d’être un acteur clé de l’avion du futur. Ces acquisitions nous permettent aussi de gagner en compétence et de nous rapprocher des marchés », explique le directeur général Thierry Mootz.

 

 

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